Sauvage et peu peuplée, la microrégion de Porto-Cargèse s’étale sur une vaste superficie entre mer et montagne. De Cargèse la Grecque à Porto la granitique, d’innombrables trésors sont à découvrir sur ce territoire contrasté où le maquis odorant se mêle aux embruns de la mer Méditerranée. La découverte de ce jardin merveilleux démarre à Cargèse, village aux deux églises et aux petites ruelles pittoresques.
Ce circuit nous conduira ensuite du côté du golfe de Porto, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, avant que nous ne prenions l’intérieur pour explorer les vertigineuses gorges de la Spelunca creusées par la force de l’eau. Pour finir, nous gagnerons de l’altitude pour traverser la forêt d’Aïtone alors que nous atteindrons le point culminant de cette odyssée : le col de Vergio.
Au sommaire- Découvrir Cargèse et ses deux églises
- Caresser du regard les trésors du Golfe de Porto
- De la mer à la montagne sur la D84, route spectaculaire
Découvrir Cargèse et ses deux églises
Territoire aux mille facettes, notre aventure dans cette région de l’Ouest prend sa source à Cargèse. Village aux deux églises, l’une orthodoxe et l’autre catholique, l'évolution de cette cité grecque est tumultueuse. Ange en parle bien plus en détail dans l'histoire de la colonie grecque de Paomia-Cargèse.
Un village historique au charme singulier
Créée au 17ème siècle, sa fondation résulte de la fuite de 800 Grecs originaires de Laconie qui sont persécutés par les Turcs. Plutôt que de se soumettre à l’envahisseur qui est plus puissant, les colons prennent la mer en direction de Gênes avant d’être détournés vers la Corse et Paomia.

C’est ici, sur cette terre fertile, qu’ils décident d’y établir leur nouveau domicile. Les populations locales voyant d’un mauvais œil l’installation de ces réfugiés venus d'ailleurs vont, après de nombreuses tentatives, parvenir à les déloger. Après quelques décennies d’un exil forcé à Ajaccio, les Grecs fondent en 1773 leur nouvelle colonie sur un plateau en bord de mer non loin de Paomia : Cargèse.
À la pointe nord du golfe de Sagone, le village aux 1300 âmes à un charme singulier avec ses jolies ruelles et ses maisons aux couleurs pastel. Bourgade animée, particulièrement durant la période estivale où les badauds sont nombreux, Cargèse a su se forger une réputation de lieu de vie à la fois paisible et sulfureux. Si les deux églises sont des incontournables à visiter, notamment l’église orthodoxe Saint Spiridion avec ses icônes et ses riches peintures, Cargèse est également connu pour ses plages.
De plages de sable blanc en terrasses accueillantes
En arrivant d’Ajaccio, Menasina, avec ses eaux turquoise et son sable blanc, est un lieu de quiétude absolu où il fait bon piquer une tête pour se rafraîchir. Les plages du Peru et de Chiuni, plus au nord, invitent elles aussi à se détendre et à profiter de la chaleur de l’été.
La journée terminée, on pourra se restaurer en dégustant une appétissante pizza napolitaine à la pizzeria Maremmiese ou en se posant sur la chaleureuse terrasse du Café Yuka. Fondé par Stéphane, l’établissement puise son héritage dans le verre entre amis que ses grands-parents avaient instauré dans le jardin de la maison familiale. Aujourd’hui, Stéphane perpétue cette tradition en recevant les gens à sa table ouverte depuis quelques années à présent.


Caresser du regard les trésors du Golfe de Porto
Très prisé des touristes et des Corses en quête de dépaysement, le golfe de Porto est un joyau classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983.
Les Calanques de Piana, "cathédrale naturelle"
Parmi tous les trésors qui s’y cachent, les calanques de Piana sont d’une pureté à couper le souffle. Cathédrale de pierre à la verticalité saisissante, la route qui permet le franchissement du site serpente entre les pics acérés couleur ocre et offre un panorama grandiose sur une grande partie du golfe.
Depuis ce balcon naturel, une multitude de sentiers permettent de découvrir les environs et d’accéder à des lieux confidentiels tels que le Capo d’Orto. Sommet de granite majestueux, il culmine à 1294 mètres d’altitude et permet de scruter l’horizon à 360°. D’un côté, la mer s’étend à perte de vue alors que de l’autre vallées et cimes se dévoilent dans un écrin sauvage de bout du monde.


Sur le plancher des vaches, en contrebas, où la houle vient parfois se fracasser avec fureur sur le rivage morcelé, la crique de Ficajola est d’une paisibilité salutaire.
Prenez garde, néanmoins, à la fréquentation du site qui peut être rédhibitoire aux mois de juillet et d’août. Et entre nous, on préfère éviter de saturer le littoral insulaire.
De Capo Rosso à Arone la sauvage
Toujours sur la D824, une halte sportive est la bienvenue pour accéder au Capo Rosso. Cette falaise est également un cap qui délimite le golfe de Porto dans sa partie sud. Comptez environ 1h30 pour atteindre le sommet qui est chapeauté d’une belle tour génoise : la tour de Turghiu. Accessible, la terrasse de la tour est un endroit fascinant depuis lequel on domine les eaux cristallines qui se trouvent 335 mètres plus bas.

Après cette virée quelque peu éreintante, on pourra envisager de soulager ses mollets à Arone, rare plage de sable fin dans ce décor minéral et abrupt.
Pour étirer la journée et profiter du coucher de soleil tout en savourant un bon plat ou en sirotant un cocktail, deux adresses s’offrent à vous dans ce cadre bucolique : Le Café de la plage ou le Casabianca. Au menu, poissons et produits de la mer. Toutefois, pour les carnivores, de belles pièces de viande sont également à la carte.
La fragile Réserve de Scandola
Notre tour du golfe de Porto se poursuit avec la Réserve Naturelle de Scandola. Considérée comme un haut lieu de la biodiversité marine, la réserve ne manque pas de superlatifs pour décrire son caractère remarquable.
Telle une terra incognita, cette presqu’île qui pointe vers l’ouest incarne la rencontre de l’eau et du feu. Ce diamant brut est constitué de structures rocheuses en caldeira qui correspondent à un ancien volcan effondré en mer. Gérée par le Parc naturel régional de Corse, elle fut le premier site de France dédié à la préservation du patrimoine naturel à la fois terrestre et marin. Havre de paix pour une pléiade d’espèces, dont certaines ont totalement disparu de Méditerranée depuis fort longtemps, l’aire de protection s’étale sur une superficie de presque 1700 hectares.
Je ne peux pas continuer mon circuit sans préciser que Scandola est un territoire marin à protéger. Trop fréquentée par les bateaux, elle a perdu un précieux label environnemental en 2019 ; mais des zones d'exclusion sont désormais actées en saison estivale pour tenter de sauvegarder ce qui peut l'être encore. Privilégiez donc la basse saison pour la découvrir, sans vous approcher du rivage pour ne pas perturber les animaux qui y nichent (dont le balbuzard, espèce fortement menacée).
Détour par Girolata, petit port presque inaccessible
Enfin, comment ne pas évoquer Girolata et son petit port. Accessible par la mer, le hameau l’est également par la terre à condition d’enfiler ses chaussures de marche. En effet, aucune route carrossable ne relie Girolata au reste du réseau routier et il vous faudra emprunter le sentier du facteur pour y parvenir.

De la mer à la montagne sur la D84, route spectaculaire
L’exploration de la côte terminée, vous pourrez vous enfoncer dans les terres en prenant l’une des routes les plus spectaculaires de l’île : la D84. Cet itinéraire, qui mène de la mer à la montagne, de Porto au col de Vergio, est unique. En seulement une petite heure de trajet, ce parcours haut en couleur conduit du bord de mer à un col de montagne situé à 1477 mètres d’altitude.
Première halte à Ota
Le départ est ponctué de maquis et d'eucalyptus, essences typiques de l’étage méditerranéen le plus bas. De l’autre côté de la vallée, coupée par le fleuve Porto, se dessine à flanc de montagne le village d’Ota.

Composé de jolies maisons en pierre et d’une belle église, il faut emprunter la D124 pour s’y rendre. Le détour en vaut la peine, non seulement pour découvrir le village, mais également pour faire un plongeon dans le fleuve au niveau du pont génois de Pianella. Cette première halte est mémorable et donne aux voyageurs un regard neuf sur cette région riche en atmosphères variées.
Pour les plus aventureux, il faudra suivre les traces du sentier muletier Tra Mare e Monti jusqu’au pont génois de Zaglia afin de s’enfoncer dans les gorges. Sublime.
Evisa, pays des châtaigniers
À mesure que l’on s'élève, nous nous rapprochons d’Evisa, à mi-chemin de cet itinéraire. Perché à plus de 800 mètres d’altitude, le village est connu pour ses châtaigniers et pour ses marrons glacés. C’est ici que Marina Ceccaldi perpétue l’héritage de sa mère, Françoise. Sa petite entreprise, Insitina, produit des marrons glacés sous le label Dolci Corsi. Une pause gourmande est la bienvenue.

Aïtone, poumon vert de la Corse
Changement d’ambiance à la sortie du village alors que l’on pénètre dans la forêt d’Aïtone. Avec ses grands pins laricio, endémiques à l’Île de Beauté, cette forêt profonde et mystérieuse impose le respect. Sa canopée, qui culmine à plus de vingt mètres du sol, nous rend immensément petits. Sentiers et pistes secrètes zigzaguent entre les vénérables arbres qui peuvent avoir plusieurs siècles d'existence. Au cœur de la forêt, il est possible de plonger ses pieds dans des piscines naturelles à l’eau claire. Frileux s’abstenir.
Et dire que c'est ici que Théodore Poli, entouré de dizaines de brigands insulaires, déclara la naissance de la "République des Bandits" au 18ème siècle ! Mais c'est une autre histoire...


Vers les montagnes, et au-delà
Notre errance s’achève à Vergio, plus haut col routier de Corse. Depuis cette ligne de démarcation, un superbe panorama sur la vallée du Niolu et sur les plus imposants pics de l’île se dévoile. Inondées par les rayons incandescents du soleil lors des chaudes journées d’été, l’hiver les plus hautes cimes de ce milieu indompté sont recouvertes d’une délicate pellicule glacée qui invite les plus intrépides à chausser leurs crampons.
Car c'est ici que le marcheur courageux peut partir à l'assaut du Ninu, dans la chaîne des lacs corses...