Peu d’oléiculteurs peuvent se targuer de produire une huile d’olive chargée d’histoire. Le Domaine de Tappa, enraciné dans les terres du Taravu, au sud-ouest de la Corse, fait partie de ces rares exploitations agricoles. Dans l’île, on dit d’ailleurs de cette micro-région qu’elle incarne “la Corse des origines”.
Je suis donc parti à la rencontre de Florence Mondoloni, jeune “repreneuse” de ce domaine où l’on produit la Lacrima di a Filitosa, une huile d’olive obtenue selon les méthodes à l’ancienne. Au-delà d’une simple bouteille d’huile d’olive corse AOP, c’est tout un héritage qui perdure.
Au sommaire- Une oliveraie ancrée dans l’Histoire de Corse
- Des oléiculteurs portés par les valeurs ancestrales
- Des huiles d’olive entre tradition et modernité
- Dormir au coeur de l’oliveraie et goûter aux “larmes” de Filitosa
Une oliveraie ancrée dans l’Histoire de Corse
En partant d’Ajaccio, la route nous mène vers le Sud, direction Sartène, puis - bien avant d’arriver dans “la plus corse des villes corses” - Sollacaro. Voici la vallée du Taravu (Taravo), nichée entre la Méditerranée et les reliefs maquisés de l'Île de Beauté. Nous ne sommes qu’à quelques centaines de mètres du haut lieu de la préhistoire corse, j’ai nommé Filitosa. Si vous ne connaissez pas ce site, vous pouvez lire mon reportage complet sur Orizzonte.fr.
Le Domaine de Tappa (du nom du hameau), essentiellement tourné vers la production oléicole, certifié AOP Oliu di Corsica, s’étend sur un vaste territoire riche en oliviers centenaires. Oliviers que la famille Foata exploite réellement depuis les années 70 ; on a planté, à l’opposé de l’ancienne oliveraie, plus de 850 pieds d’arbres de variété Ghjermana.


Tout sur cette terre semble rappeler le passé, jusqu’en des époques presque oubliées. Une ancienne bâtisse corse, de famille, rénovée pour accueillir les voyageurs en quête d’authenticité et de calme absolu. Puis ce Sentier de l’Olivier, qui relie Tappa au village de Calvèse à travers la magnifique oliveraie et les nombreux vestiges du temps : casedde, statues-menhirs renversées, ancienne chapelle… Derrière les murets de pierre, on peut aussi apercevoir les trésors de la préhistoire insulaire, légués par les tribus du néolithique.
Est-ce cette proximité avec l’Histoire qui a convaincu Florence Mondoloni de reprendre les rênes de l’exploitation - ou du moins de venir y prêter main-forte ? Après quelques années d’études à Paris, la jeune femme est rentrée en 2020, pour donner un coup de main à sa famille. Elle décide finalement de rester là et de travailler avec ses parents.
“Ma famille est passionnée par sa terre, ses oliviers et les valeurs qui l’entourent. J’ai voulu insuffler un coup de jeune mais en m’intéressant profondément au produit.”

Des oléiculteurs portés par les valeurs ancestrales
Depuis quand produit-on de l’huile d’olive à Sollacaro ? Difficile à dire. Mais si l’on ne sait fixer ses origines dans le temps, il est certain que l’exploitation de l’olivier, “arbre de la mémoire” pour les gens d’ici, se fait en continuité des traditions millénaires de la région.
Faire local, en famille, paraît comme une évidence. Cueillir les olives comme autrefois également, même si l’on pratique sur le Domaine de Tappa les deux techniques : récolte sur l’arbre et récolte à l’ancienne (au filet, au sol).

“On croit fermement à une activité traditionnelle, alliant nature, qualité et valorisation de nos valeurs corses”, résume la jeune oléicultrice. “C’est quelque chose qui nous unit dans le respect des anciens. Ça valorise le patrimoine familial ; on le rend même meilleur”.
Comme une métaphore de la larme, la “lacrima”, la richesse de l’oliveraie se mêle dans une forme d’alchimie aux vertus médicinales et à l’héritage humain. Aux côtés des arbres que l’on soigne et observe vieillir, la famille s’est donnée comme mission d’entretenir tout ce que l’Homme a bâti ici au cours des siècles passés : casedde (maisons de pierre), chapelle, sentier...
“Mon père a toujours voulu rénover la chapelle, parce qu’il était croyant bien sûr, mais aussi respectueux des édifices spirituels. C’est pour redonner vie à ce petit territoire que nous avons donné un accès libre au sentier.”
A quelques pas de la bâtisse centrale du domaine, une statue-menhir repose à même le sol, nous rappelant que les hommes foulent cette terre depuis des âges reculés.
Des huiles d’olive entre tradition et modernité
C’est d’abord la bouteille, et son étiquette en goutte d’eau, qui capte le regard. Mais l’esthétique de cette larme noire ne doit pas faire oublier la qualité particulière des huiles d’olive contenues dans ces écrins de verre ou de métal.
Lacrima Di A Filitosa récolte aussi les récompenses : une médaille de Bronze en 2016 lors du concours régional Oliu Di Corsica dans la catégorie “Récolte sur l’arbre”, une médaille d’Or au concours national des huiles d’olives classées en AOP à Nyons, en 2021. Les deux “titres” ne concernent néanmoins que l’huile d’olive récoltée sur l’arbre.

Cela n’enlève en rien aux atouts de l’huile d’olive produite à partir de la récolte à l'ancienne - autrement dit, la récolte par chute naturelle, où les olives sont récoltées au filet. Tombées toutes seules, ces olives n’ont pas été ramassées au peigne. “Plutôt que de les jeter, on les met de côté. Les olives sont plus mûres, elles ont touché le sol, et sont pressées dans les 3 jours”.
Les arômes varient ainsi sensiblement, rappelant le foin sec, le maquis et les fruits secs. L’huile d’olive gagne en rondeur et en délicatesse, et arbore une couleur beaucoup plus ambrée.
“Nous sommes une poignée en Corse à continuer cette production”, précise Florence Mondoloni. “On en est très fiers, parce que tout se fait à la main, de façon artisanale”.
Cette huile d’olive fera plaisir aux gourmands sur des aliments chauds (filet de poisson par exemple), ou en finition, parce qu’elle aromatise l’aliment. “Elle n’altère rien en termes de saveurs, elle ne perd rien, à la différence de la récolte sur l’arbre”.
Dormir au coeur de l’oliveraie et goûter aux “larmes” de Filitosa
Si l’envie vous prend, de passage dans cette belle région du Taravu, de faire une halte au Domaine de Tappa, sachez que les dégustations sont possibles… A condition évidemment d’appeler avant. Florence Mondoloni ou une personne de son entourage pourra vous accueillir et vous proposera - en plus de la vente directe - une visite rapide dans l’oliveraie et dans l’atelier, avec les cuves.
Vous pouvez également décider d’y rester. Au moins quelques nuits… La maison de famille, transformée en hébergement de charme, est ouverte aux réservations pour les voyageurs ou gens du pays qui rêvent de séjourner au cœur d’une oliveraie, avec comme seul voisinage des ruines mégalithiques… La Casa Filicina affiche une note exceptionnelle de 9,6 sur Booking.com. Et on comprend pourquoi.
En attendant, sans quitter votre table, l’huile d’olive du domaine vous fera découvrir les véritables saveurs de l’histoire et du patrimoine corses.
Site Web : https://www.domaine-de-tappa.fr/