En Provence, à l’entrée de chaque village, on trouve toujours un panneau avec le nom du village en français et son nom en prouvençau. De là à entendre les habitants uniquement parler le dialecte de la région, j’en doute… Cela dit, vous écouterez certainement d’autres noms, expressions ou intonations en langue provençale, ou dans l’un des autres dialectes de la région. Laissez-moi vous expliquer un mouloun de cauvo* sur la langue provençale et le provençal (car oui, ils sont bel et bien différents).
Au sommaire- La langue provençale, à la base de tout autre idiome
- Le Provençal et ses dialectes
- Un “slang” provençal ?
- Quelques mots et expressions en Provençal
La langue provençale, à la base de tout autre idiome
Sabès que*... Dans la grande région du sud de la France, des Landes aux Alpes-Maritimes en passant par les Bouches-du-Rhône et l’Hérault, la langue provençale était anciennement celle utilisée. Oui car ce terme de “langue provençale” n’est en fait qu’une autre appellation de la langue occitane, aussi anciennement nommée gascon, catalan ou languedocien. Langue d’oc, occitan et langue provençale sont tous synonymes.
Le “provençal” quant à lui est un des dialectes de la langue provençale qui a en effet connu de multiples variations, selon les régions, les âges et les villages.
L’histoire commune dont ils profitent ainsi que leur proximité géographique font que tous ces dialectes, encore parlés aujourd’hui dans certains villages ou simplement reconnus, se ressemblent. La racine des mots, la structure des expressions, les accents sont souvent similaires. En tant que Provençale mariée à un Catalan, nous nous sommes plusieurs fois rendu compte de la proximité des expressions utilisées dans nos familles et nos régions. Ce qui est normal en effet puisque provençal et catalan plus moderne ne sont autres que frère et sœur de la même langue mère, celle appelée langue provençale ou langue d’oc.
Le Provençal et ses dialectes
Le Provençal est alors un des dialectes de la famille des langues d’Oc, utilisé sur un territoire délimité par la Méditerranée au sud, le Rhône à l’ouest, les Alpes à l’est et Valence au nord (dans les grandes lignes). Mais il faut savoir que lui-même connaît des variations. Comme toute autre langue, le provençal est dialectisé. Tous les villages provençaux n’adoptent pas les mêmes expressions.
Pour parler un peu de son histoire, disons que le provençal a commencé à fleurir sur le territoire au XIème siècle. Il a d’abord été utilisé dans les compositions des troubadours puis il s’est petit à petit étendu à la population, à la justice, à l’administration… La révolution a quelque peu bousculé son utilisation sur le plan administratif mais les provençaux ont continué à utiliser la langue de leur région jusqu’au XVIIIème siècle.
Il a d’ailleurs connu une normalisation grâce aux lexicographes et auteurs provençaux, Simon-Jude Honnorat, Joseph Roumanille ou encore Frédéric Mistral qui lui a permis aussi de recevoir un des premiers Prix Nobel de Littérature. Ce n’est que récemment, au XXème siècle que le provençal a commencé à disparaître dans les administrations puis dans les familles et les écoles.
J’ai personnellement étudié dans un collège, il y a une vingtaine d’années, où il était possible de choisir le Provençal, au même titre que le Latin ou le Grec. Je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui mais déjà à mon époque, peu d’étudiants faisaient le choix de cet enseignement. Quelques termes sont encore utilisés aujourd’hui, et j’y reviendrai plus bas, mais disons qu’elle n’est plus langue officielle... Le Provençal est classé par l’Atlas UNESCO des langues en danger comme en “situation sévère d’extinction”.

Les sous dialectes du Provençal sont surtout divisés par zone géographique, raison pour laquelle il n’est pas évident de définir vraiment s’il y en a trois, cinq ou huit… Il n’y a pas vraiment de définition, pas de document officiel, le Provençal et ses dialectes ne sont pas standardisés comme le Français. Il y a juste des provençaux qui parlent ou ont parlé la langue de leur région. Pour présenter les sous-dialectes les plus utilisés, on pourrait citer :
Le Maritime, aussi appelé le Marseillais
Le Marseillais, ou Maritime, est sans surprise la langue utilisée dans la région de Marseille. Plus exactement, il s’agissait de la langue parlée entre Marseille, Aix, Salon-de-Provence, Apt, Toulon et Grasse. Même si certains parlent de variations entre le Marseillais et... “le Varois”, autre sous dialecte du Provençal.
Le Maritime dispose de règles grammaticales et linguistiques qui lui sont propres : les pluriels des adjectifs se forment en -ei(s) (et non en -i(s) comme en rhodanien par exemple) ; les pronoms me, te, se se disent mi, ti, si ou encore, les consonnes finales ne se prononcent pas…
Le Rhodanien
Le Rhodanien est le dialecte provençal parlé dans la partie occidentale des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse jusqu’à Nîmes. C’est celui que l’on entend alors à Saint-Rémy-de-Provence dont je suis originaire ainsi qu’à Arles, Cavaillon, Avignon, Carpentras, Orange, Nîmes ou encore Beaucaire. Il serait aussi connu comme le dialecte le plus doux à l’oreille...
Pour donner quelques exemples de variations : les adjectifs pluriels se forment en -i(s), pas de diphtongue sur les “o”, ect.
Le Nissart ou Niçois
Le Niçois aussi appelé Nissart est le dialecte de la région de Nice. Bien que très proche du Provençal, le Nissart est considéré comme une langue à part entière. Ses locuteurs se sentent d’ailleurs niçois, non provençaux. Il faut dire aussi que pendant longtemps le Comté de Nice était séparé du reste de la Provence, et la région s’était alors créée et avait développé une identité propre.
On pourra aussi entendre d’autres dialectes tels que le Gavot, l’Alpin ou Vivaro-Alpin, le Drômois...
Un “slang” provençal ?
A Saint-Rémy-de-Provence, dont je suis originaire, je sais qu’il n’est pas rare d’entendre encore des expressions purement provençales, majoritairement utilisées dans des contextes familiaux. Et je parle ici de Saint-Rémy mais je suis certaine que cette remarque peut être faite aussi dans toute la Provence...
Quelques mots et expressions en Provençal
J’ai grandi avec mes parents qui me faisaient des gatés, et jusqu’à mes 20 ans environ, je pensais que c’était un terme officiel, que l’on trouvait dans le dictionnaire français, pour parler de câlin. Officiel oui mais en Provence uniquement.
Il existe en effet des tas d’autres termes, comme celui-là, encore beaucoup utilisés en Provence : chaler (transporter quelqu’un sur un vélo ou le porte-bagages d’un vélo), douiller (souffrir), emboucaner (déranger ou sentir mauvais), teste d’aï (tête d’âne, insultant), dégun (personne)... La liste est longue car les expressions sont nombreuses, et je dois avouer qu’il m’arrive encore parfois d’être un peu perdue et de ne pas savoir quel terme est Provençal et lequel est Français.
Aussi, pour entamer toute conversation avec un provençal, vous pourriez apprendre sans doute :
- Salut ! = Adiéu ! envers une seule personne ou “Adessias en tóutei” pour parler à plusieurs personnes
- Bonjour = Bouan jou
- Bonsoir = Boun souar
- Tiens le voilà ! = Tè ou Vè !
- A tout à l’heure = A toutaro
Les accents écrits, graves ou aigus, sont très importants en Provençal. Si vous en rencontrez un, n’oubliez pas de bien l’appuyer ou vous risquez de faire perdre sa signification au mot… C’est une des choses les plus importantes à savoir : toutes ces expressions, ces mots et autres boutades doivent être prononcé(e)s “avé l’accent” !
*prouvençau = provençal
un mouloun de cauvo = un tas de choses
Sabès que = sachez que