Pour évoquer Gela, la sicilienne, quoi de mieux en préambule que la déclaration de l’écrivain et poète Ragusain Salvatore Quasimodo qui s’exclama : "Sur le sable de Gela... Je m'allongeais au bord de la mer sur ce sable de couleur paille, vestige de la Grèce antique chargé de tant d’histoire, dans mes poings, serré dans ma poitrine. Là, Eschyle se promena et prononça des vers de désespoir, dans ce golfe l'aigle le vit et ce fut son dernier jour."
Car la petite Histoire veut qu’Eschyle, le grand dramaturge grec, fut atteint sur la tête par une tortue, lancée par un rapace qui aurait pris son crâne chauve pour un caillou destiné à briser la carapace de la testudine. Une drôle d'histoire qui nous rappelle toutefois le riche passé antique de Gela, ville ambivalente, que l'on évite souvent mais qui cache pourtant de vrais trésors.
Laissez-moi vous la présenter et vous convaincre d'y prévoir une halte.
Au sommaire- Gela, cité agricole et industrielle au sud de la Sicile
- Faut-il s'arrêter - et rester - à Gela ?
- L'histoire antique de Gela et la mort d'Eschyle, dramaturge grec
- Les principaux points d'intérêt historiques de Gela
- Quelques bonnes adresses pour manger sicilien à Gela
- Le Lungomare et les plages de Gela
- S'échapper en pleine nature dans les environs de Gela
Gela, cité agricole et industrielle au sud de la Sicile
Gela est une ville de la province de Caltanissetta, située sur la côte méridionale de la Sicile, peuplée d'environ 80 000 habitants (les "Gelesi").
Cité agricole et industrielle, Gela se trouve sur la côte du Canal de Sicile, proche du fleuve Gela. L'élevage de petit bétail et l'agriculture restent des activités importantes dans l'économie locale (céréales, agrumes, olives, et coton), comme les activités associées - la pêche notamment.
La Sainte Patronne de la cité est la Santissima Maria dell'Alemanna, célébrée ici le 8 septembre.

Faut-il s'arrêter - et rester - à Gela ?
Je me rappelle qu’une écrivaine américaine, parlant de son périple en Sicile s’exclama concernant Gela : "Gela, pauvre Gela, nous sommes passés, nous n’y sommes pas restés".
Il est vrai qu’à premier abord, beaucoup de choses vous rebuteraient. Sa circulation chaotique par exemple : pas de feux, cela ne sert à rien ! Pas de stop, pas de sens interdits : on ne les a pas vus ! Le tout sous le regard désabusé des carabiniers.
On peut chercher les causes des errances de Gela du côté des clans mafieux. On doit aussi cela à une administration fataliste, qui se réfugie trop facilement derrière l’abandon du pouvoir central. Ceux qui le détiennent s’installent en "Homme providence". Ils laissent à croire qu’ils feront de leur mieux pour régler les problèmes, dont celui (récurrent) de la distribution de l’eau.
Résultat : une drôle de carte postale où sur le toit en terrasse de chaque maison trône l’inévitable citerne grise ou bleue que le chef de famille s’acquittera scrupuleusement de remplir en mettant en route le "muturino", une pompe, tôt le matin du jour de la distribution, un jour sur deux, voire trois ou quatre. Ou encore, ces deux ponts gisants là aux deux extrémités de la ville, sans qu’il soit possible de les emprunter alors qu’ils étaient sensés désengorger la ville par un contournement de la SS115.
Encore aujourd'hui, les habitants préfèrent se rendre dans les hôpitaux des autres villes de la région. C’est la même chose pour l’enseignement secondaire.
C’est aussi et malheureusement la typicité du lieu.
Toutefois, tout cela est invisible pour le touriste. Il faut "pratiquer" un peu la ville pour s’en rendre compte. Il lui faudra ne pas s’arrêter à la première impression prise sur la tumultueuse via Venezia, passage obligé de la SS115, reliant Agrigento à Syracuse mais pénétrer dans les hauteurs de la vieille ville, quand le soir, le corso est rendu à la circulation des piétons.

On pourra profiter sur l’esplanade de la Villa, son jardin public, d’une vue imprenable sur le golfe de Gela, malheureusement toujours entaché au loin par les deux tours infernales de l’ANIC. Un peu plus tard encore, déambuler sur le Lungomare où des familles entières viennent profiter de l’air marin en se pourléchant de la fameuse Gelata de chez Nuzzi.
1 nuit ou 2 dans l’un des nombreux bed&breakfasts que compte la ville vous permettront de goûter au réveil des vendeurs ambulants, sorte de "muezzin" local, la prière en moins, au volant de la célèbre APE ("abeille" en italien), ce véhicule utilitaire triporteur de la marque Piaggio qui vous portera au pas de la porte la fameuse brioche à la granita.
L'histoire antique de Gela et la mort d'Eschyle, dramaturge grec
Gela a été fondée en -689 (44 ans après Syracuse) par des colons venus de Rhodes, commandés par Antiphème, et par des habitants de Crète guidés par Entimo, attirés par la beauté des lieux occupés alors par des groupes d'indigènes, les Sicules.
La ville est nommée Gela en référence au fleuve Gela situé à proximité.
Antiphème et Entimo doivent faire face à l'hostilité des habitants des lieux, mais ils parviennent en peu de temps à les soumettre et à les repousser dans les montagnes. La ville de Gela commence alors à se développer.
Un siècle plus tard, une colonie de gélois commandée par Pistilos et Aristomos conquiert le fleuve Akragas et fonde en -580 la ville d'Akragas (Agrigente).

C’est à Gela que serait mort, en -456, un des trois grands auteurs tragiques grecs, Eschyle, qui y aurait reçu sur la tête une tortue, lancée par un aigle qui aurait confondu son crâne chauve avec un caillou (quoique ce comportement ressemble plutôt, si vous voulez mon avis, à la technique de rupture des os employée par le gypaète barbu).
Les principaux points d'intérêt historiques de Gela
On ne s'ennuie pas à Gela, une fois passée la première impression.
Le Musée Archéologique et l'Acropole de Gela
Le musée, fort de plus de 4000 artefacts, retrace l'histoire de l'ancienne Gela et de ses environs, répartis chronologiquement de la préhistoire à l'âge médiéval. Comptez 4€ pour l'entrée.
Les collections relatives au Gela grec avec des matériaux de l'acropole, de la région de Capo Soprano, de l'emporium de Bosco Littorio et des nécropoles sont très étendues.
À voir absolument :
- un casque corinthien intact,
- les grandes collections de céramique grecque à figures noires et rouges,
- les restes de la cargaison de "l'épave de Gela", un navire marchand grec coulé devant le port de la ville et découvert récemment,
- les détails architecturaux des temples de la ville et des arènes votives du Bosco Littorio,
- la grande collection numismatique avec des pièces des différentes colonies grecques,
- des têtes de Gorgone en parfait en état.
On peut visiter les vestiges de l'Acropole, à proximité du Musée Archéologique. Une colonne dorique se dresse encore non loin de là.

Les fortifications grecques de Caposoprano
Ces vestiges sont particulièrement bien conservés. Long d'environ 300 m, le mur remonte à une période située entre le 4ème et le 3ème s. av. J.-C. lorsque Timoléon, après avoir restauré la démocratie, ordonna la reconstruction de la ville détruite par les Carthaginois.
Tout près de là, à l’arrière de l’Hôpital, ont été découverts des bains grecs.
Les monuments religieux
Sur la place principale se trouve la Chiesa Madre, dédiée à la Vierge de l'Assomption, reconstruite entre 1766 et 1794 sur une ancienne chapelle du nom de "Madonna della Platea".
Construite en 1796, l'église SS Salvatore et Rosario, communément appelé "Eglise du Rosaire" est intéressante surtout par son cadre inspiré de l'église Sainte Marie de Bethléem.
On ira aussi voir le couvent des Capucini, bâti en 1261. Abandonné, et délabré, il a été offert en 1574 aux Capucins, qui l'ont reconstruit.
Le Castellucio, vestige d’un château féodal
Il s'agit d'un château souabe (de style germanique), connu sous le nom de Castelluccio. A la sortie de la ville, vers le nord, il se dresse sur une colline et domine la côte pour défendre la ville de Gela. Les origines du château remontent à 1143 lorsque le comte Simone di Butera l'offrit aux abbés du monastère San Nicolo l'Arena de Catania.
Les bunkers allemands
Vous les trouverez en contrebas de la zone archéologique, au pied du Castellucio et à Ponte Dirillo, entre Gela et Scoglitti, ces témoins de la Seconde Guerre mondiale, pillbox et autres casemates, des systèmes constitués de terrains antiaériens et de postes de défense militarisés.
La Pierre calendaire de Cozzo Olivo
Découverte en 2016 par un groupe de passionnés, la pierre calendaire de Gela est l'un des monuments préhistoriques les plus importants d'Italie. Le site de Cozzo Olivo, officiellement reconnu le 18 mars 2017 par l'Institut National d'Astrophysique et d'Archéo-Astronomie et par l'Ordre des Géologues de Sicile, est situé à quelques kilomètres de la ville de Gela, intégré dans un contexte archéologique de grande importance, entre la nécropole monumentale de Disueri et les colonies de Ponte Olivo.

La Pierre Calendaire, rebaptisée par les journaux anglais et américains le "petit Stonehenge", était utilisée par les populations pour mesurer les saisons. A l'occasion des solstices d'hiver et d'été, il est possible d'assister, à partir d'un point d'observation privilégié, à un phénomène unique : le soleil levant passe à travers le trou d’une dalle de grès naturellement orientée, donnant vie à un incroyable spectacle de lumière.
Quelques bonnes adresses pour manger sicilien à Gela
Mani in Pasta. Un restaurant de pâtes au concept particulier mais pour un résultat étonnant. Vous vous régalerez forcément. Vous choisissez votre pâte et votre sauce avec une grande possibilité de choix.
Disiu – Bistrot Siciliano offre un grand choix de bons vins siciliens et d'antipasti à volonté.

Trattoria S. Giovanni. Encore la pasta, sublimée dans toutes ses déclinaisons.
Lo Zingaro. C’est avant tout une Rôtisserie, longtemps tenu par le papa dans une roulotte, d’où le nom. Le restaurant ne désemplit pas. Beaucoup sont d’ailleurs là pour le fameux "pollo alla brace" qui a fait la réputation du lieu. Un poulet à la sicilienne, élaboré sur la base d’une recette simple : citron, gros sel, origan et autres herbes méridionales.
Et si vous voulez gouter au fameux "da portare via", "à emporter", bon et pas cher, rendez vous chez Mordi e Fuggi (Mange et file) da Franco. Qualité et fraîcheur ! Vous comprenez vite qu’il en est ainsi : pour être servi(e), il vous faudra prendre un ticket. A l’intérieur, que des locaux. Et au menu, pannini, pizze, fritelle et bien sur les arancini, ces fameuses boules de riz dans lesquelles est incorporé un ragoût dont Franco a le secret.

Le Lungomare et les plages de Gela
La plage du Lungomare de Gela a retrouvé sa splendeur d’antan. Longtemps souillée par l’exploitation pétrolifère de l’ANIC, à l’est de la ville, la fermeture de la structure permet désormais aux Gelesi de retrouver les plaisirs balnéaires.
L'ANIC, société Italienne de Pétrochimie ouvrit son pole de Gela en 1959. Une manne économique pour une région en crise mais un véritable désastre écologique. Il fallu alors loger tous ces ouvriers : de nouvelles cités émergèrent en périphérie du centre historique, comme la populaire Settefarine, ou Macchitella, la plus huppée et en bord de mer.

Un joyau demeure : son littoral et sa perle, la conchiglia, où vient se presser une jeunesse en quête de plaisirs après des années de privation. Aujourd’hui, les dimanches d’été, les lidos sont pris d’assaut.
Cette plage fut le théâtre d’un des épisodes les plus importants de la Seconde Guerre Mondiale : le débarquement des troupes de Patton en juillet 1943 dans le cadre de l'opération Husky.
A la sortie de la ville, en direction de l’ouest vers Agrigento, s'étendent les plages de Manfria et de Roccazelle. Des écrins surplombés par la fameuse Torre di Manfria. Vous y trouverez de grandes criques où vous profiterez seuls des plaisirs balnéaires.
Un peu plus à l’ouest, en direction de Licata, vous pourrez trouver la belle plage de Falconara au pied du château du même nom.
S'échapper en pleine nature dans les environs de Gela
Celles et ceux qui recherchent aussi le dépaysement et une escapade au contact de la nature seront servis.
La Réserve Naturelle du Lago Biviere
A la sortie de la ville, en direction de Scoglitti vers l’est, le fleuve Dirillo forme, avant de se jeter à la mer, une poche que constitue la Réserve naturelle du Lago Biviere. Il s'agit du plus grand lac côtier de Sicile et d'une aire de repos et d'hivernage essentielle pour de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs que vous observerez facilement, parmi lesquels : canards siffleurs, pilets, souchets, sarcelle d’été, fuligule milouin... Est également signalé le canard ferrugineux, l'une des quatre espèces italiennes les plus menacées.
Il existe aussi de nombreuses espèces d'échassiers dont le Chevalier d'Italie, la Barge, le Courlis et le Petit Gravelot. Il n'est pas rare de rencontrer de nombreuses espèces de hérons, la petite aigrette et plus sporadiquement, le héron rouge. Le Butor étoilé et le Bihoreau gris, plus "noctambules", sont également présents, mais plus difficiles à observer.
La végétation entourant le lac est caractérisée par plusieurs espèces hydrophiles. Les prairies environnantes abritent des espèces telles que le thym et le romarin ainsi que diverses orchidées sauvages au printemps, dont l'Ophrys Oxyrrhynchos, un endémisme sicilien rare.
Dans la ceinture de dunes qui sépare le lac de la mer, fleurissent le genêt à balai, le bleuet des plages et les rares Leopoldia Gussonei, spécifique de la côte du golfe de Gela.
Un couple de cigognes ayant trouvé le biotope fort à son goût a élu domicile à l’année sur les des pylônes de Settefarine et fait la joie des photographes.
La Réserve Naturelle Sughereta di Niscemi
Un peu plus avant, en direction de Niscemi, offrez une belle ballade au milieu d’une vaste forêt de 3000 hectares de chênes-lièges que constitue la Réserve Naturelle Sughereta di Niscemi.
En bordure, la végétation dominante est cependant typique du maquis méditerranéen avec des espèces d'arbustes comme le lentisque, l'olivier, la myrte, l'arbousier, le palmier nain, la bruyère, le cytise, le daphné garou, la passerine, l'ajonc et le ciste...